En plein essor, la nutriceutique est de plus en plus ludique et gourmande avec l’apparition des gummies et des shots fonctionnels. Marielle Salvador nous livre son point de vue d’experte en alimentation, comportement des consommateurs et marketing sensoriel à l’institut Lyfe (ex Paul Bocuse) sur cette tendance de fond.

Marché en pleine croissance, la nutriceutique associe-t-elle de plus en plus alimentation et plaisir ?

Oui, la cosméto-food est plus gourmande qu’à ses débuts. Il faut dire qu’elle a connu de gros ratés en France par méconnaissance alimentaire. A titre d’exemple, Danone a essuyé un échec retentissant avec Essentis, son produit laitier « qui nourrit votre peau de l’intérieur » riche en Oméga 6, antioxydants et probiotiques en 2009. Si ses ventes ont décollé au lancement, ses volumes ont très vite chuté par manque de réachat. Au Japon, la cosméto-food est bien plus ancrée dans les habitudes alimentaires et le comportement des consommateurs est totalement différent : on boit du Shiseido. Mais le marché français, tiré par les Milleniaux et la Gen Z, évolue et introduit une dimension plaisir et ludique dans les produits de nutri-cosmétique comme les gummies et les shots. Les plus jeunes, qui représenteront 75% du marché du luxe (mode, beauté, bien-être...) en 20262, commencent tôt à prendre soin d’eux et veulent des produits sains, durables et goûteux.

Quelle est la part du plaisir dans l’alimentation ?

Les Français mangent par plaisir, contrairement à d’autres nationalités. Selon une étude du Crédoc, le plaisir et la santé sont les deux piliers de la construction de nos choix alimentaires. Nous mangeons pour vivre des plaisirs sensoriels, partager des moments de convivialité et de détente. Depuis les différentes crises (vache folle, dioxine, Covid) que nous avons connues, les Français mangent moins mais mieux avec une tendance locavoriste, moins évidente depuis l’après-confinement et le retour de l’inflation. Ils ont également pris conscience de l’importance de la nutrition-santé.

Les shots de beauté à boire Phyltres à base d’une rose de France®, 100% naturels, origine et made in France, consommables à température ambiante sous la forme d’une cure de 7 jours, représentent-ils une innovation de votre point de vue ?

Boire une rose : cela m’a interpellée ! Phyltres propose une innovation « acceptable » puisqu’elle ne détourne pas le plaisir de l’alimentation. Si les herbes sauvages et les fleurs sont encore peu utilisées dans l’alimentation française, la rose, avec ses représentations mentales et croyances, est une porte d’entrée « accessible ». D’ailleurs, Pierre Hermé a intégré son aromatique dans l’un de ses macarons et dans la culture magrébine, moyen-orientale ou indienne, elle est largement consommée.

Nous avons réalisé des études sensorielles avant de lancer nos cures de beauté pour valider la perception de l’efficacité des shots auprès de consommateurs et leur satisfaction globale. Comment l’experte du comportement alimentaire, des consommateurs et du marketing sensoriel, juge-t-elle la méthode ?

C’est une bonne démarche ! Mais vous pouvez avoir fait tous les tests du monde, le consommateur a toujours le dernier mot. Il faut savoir qu’une innovation alimentaire sur 2 disparaît des rayons au bout d’un an. De mon point de vue, l’offre de Phyltres surfe sur deux tendances de consommation majeures : la naturalité (bio, traçabilité...), première motivation d’achat pour les compléments alimentaires3 et le plaisir. Un mouvement déjà amorcé avec les cosmétiques à faire soi-même et que Phyltres peut véritablement inscrire dans un rituel de beauté, prêt à l’emploi, pratique, ludique et gourmand. 

Vous citez Pierre Hermé, grand chef pâtissier. Phyltres a sollicité des chefs étoilés ou étoiles montantes pour créer ses recettes de shots de beauté à base de rose. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Les chefs sont de véritables prescripteurs car leur point de vue est expert. Si un client consomme de la viande chez Michel Bras, il est sûr d’acheter de l’ultra-qualité. Ce sont de véritables influenceurs à l’origine de grands mouvements sociologiques (lutte contre le gaspillage, éco-responsabilité...), ce sont de vraies cautions car ils travaillent, en plus des produits de qualité et de leurs assemblages, le plaisir gustatif. 

  • Source : True-luxury global consumers insights, BCG and the altogamma foundation, 2023
  • Source : Synadiet

Qui est Marielle Salvador ?

Depuis 2019, Marielle SALVADOR est enseignant-chercheur en marketing et comportement du consommateur à l’Institut Lyfe (ex Institut Paul Bocuse). Elle a obtenu son HDR (Habilitation à Diriger les Recherches) en juin 2023. Précédemment, elle était enseignant-chercheur pendant 10 ans à l’INSEEC Lyon et Chambéry. Ses travaux, présentés dans des congrès nationaux et internationaux et publiés dans des revues à comité de lecture, sont centrés sur le comportement du consommateur lié à la gastronomie dans un contexte touristique et de luxe.

 

Crédit-photo : Pexels - Tim Douglas / Monstera production

 

08 mars, 2024